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Souvenirs de l'exposition Ickx/Merckx

Mai 2015 - Aéroport de Toulouse. Après avoir quitté les Pyrénées de bonne heure le matin, j'attends mon vol. Serein, mais habité d'une douce excitation. Car ce périple sera celui de mes retrouvailles avec la Belgique, avec Julien Garnier et un certain… Jacky Ickx. C'est avec ce dernier que j'ai rendez-vous au bout de ce voyage. Pas un rendez-vous physique, non. Un rendez-vous virtuel à travers l'exposition qui lui est consacrée, à lui, et à son grand ami Eddy Merckx à l'occasion de leurs 70 ans respectifs.

Voilà ce pour quoi j'embarque: l'exposition Ickx/Merckx.

Lorsque j'ai appris qu'elle allait avoir lieu, je me suis promis d'entreprendre le déplacement en Belgique et d'en faire la visite. Et ce matin, en dépit d'un métier qui me laisse très peu d'opportunités de m'échapper, me voici donc en attente d'embarquement pour le Plat Pays. Désœuvré pendant ces moments d'inactivité précédant le vol, mon esprit vagabonde en pensant à Jacky Ickx, à sa carrière, à ses exploits, à nos rencontres passées et je sens grandir en moi l'impatience d'être à cette exposition.

L'heure de l'embarquement arrive enfin et après moins de 2 heures d'un vol paisible les roues du Boeing 737 prennent contact avec le sol belge. A la descente d'avion, c'est une douceur très printanière qui m'accueille. Le soleil brille et la météo est bien plus clémente qu'elle ne l'était ce matin dans les Pyrénées. Si ce séjour belge est à l'image du temps qui règne à mon arrivée, alors tout s'annonce sous les meilleurs auspices.

Débouchant dans le hall de l'aéroport, je cherche du regard Julien Garnier (créateur du magnifique site Tribute to Jacky Ickx) et son épouse, Denise, venus me chercher et qui m'accueilleront chez eux très gentiment le temps de mon séjour belge. Je les aperçois très vite et le premier plaisir de ce voyage, ce sont les retrouvailles avec ces amis.

Après le trajet vers les environs de Liège, où résident Denise et Julien, la joie de se retrouver fait que le temps passe très vite jusqu'à la fin de la soirée... qui se prolonge. C'est avec la perspective d'une belle journée à venir que je sombre dans les bras de Morphée.

Mardi 5 mai. Me voilà réveillé de bonne heure, pressé d'aller "en découdre" avec Jacky Ickx et Eddy Merckx !!! 9h30, c'est parti. Julien et moi-même faisons route vers Bruxelles et cette exposition qui nous tend les bras et après avoir surmonté les bouchons sur le ring bruxellois, nous voici enfin au Heysel, théâtre de l'exposition.

Le long des allées qui mènent à l'exposition, la couleur est annoncée avec de magnifiques panneaux affichant le portrait de nos deux légendes du sport belge.

Que dis-je: légendes du sport… tout court !!!

Un bref arrêt au guichet pour acheter les billets et munis de nos précieux sésames, nous pénétrons enfin dans le sanctuaire.



Tout naturellement, Julien et moi-même sommes aspirés vers le "côté Ickx" de l'exposition. En dépit de notre grand respect pour Eddy Merckx, c'est en direction du Chevalier Casqué que nous nous dirigeons.

Dès l'entrée franchie, une sorte de fresque murale attire immédiatement le regard. Au milieu de celle-ci trône une grande et magnifique photo de Jacky, agrémentée d'un texte de Pierre Van Vliet présentant le champion en quelques lignes. Elle constitue une excellente entrée en matière.

Quelques mètres plus loin, on découvre la première F1 de Jacky: sa voiture à pédales souvent vue en photo dans divers ouvrages. On ressent une émotion particulière à découvrir ce jouet qui fût le premier volant du Ringmeister !!! Vu les stigmates ornant la carrosserie de l'engin, nul doute que les premières pôles positions enfantines furent agrémentées de quelques excursions hors piste.

En progressant un peu, on tombe sur la Zundapp avec laquelle Jacky fit ses débuts en compétition sur 2 roues. Le casque de trial de ses premières joutes sportives est là également. Blanc, il n'a pas encore pris la légendaire couleur bleu nuit qu'on lui connaitra plus tard.

Au fur et à mesure que l'on avance, on découvre la richesse et la diversité de l'exposition: des photos connues, d'autres inédites. De superbes modèles réduits des voitures pilotées par Jacky, des dioramas reproduisant des scènes rythmant la vie des circuits.

Un magnifique tableau de grand format figurant Jacky, casqué dans le cockpit d'une Porsche 936 de 1976 constitue, à mes yeux, l'une des plus belles pièces de l'exposition. On a l'impression d'être embarqué dans la Porsche avec l'envie de voir le pilote actionner le démarreur et d'être son passager pour parcourir les Hunaudières pied au plancher, avant d'affronter la violence du freinage à l'approche de Mulsanne. Malheureusement, ceci n'est qu'un délire de mon imagination!!!

De nombreux autres tableaux, dessins, gravures ornent les murs de cette exposition. En particulier, ceux de Clovis, l'auteur (entre autre) de "Historickx" présente ainsi ses œuvres dans un espace dédié.

Un autre beau moment de cette exposition: la réplique d'un stand Porsche avec bidons de ravitaillement, pneus, outils etc… On est plongé au cœur de l'action dans l'attente de la voiture sur laquelle il va falloir intervenir rapidement pour ne pas faire perdre à Jacky, les précieuses secondes qu'il a si difficilement gagnées sur la piste. Surtout ne pas ruiner les efforts de notre pilote. Voilà que mon imagination me joue à nouveau des tours en me faisant croire être le mécanicien de Jacky !!! Le réalisme de la reproduction de ce stand est sans aucun doute la cause de mon trouble.

Plus loin, une petite salle, semblable à une crypte, est dédiée au Mans. Présentant les affiches officielles des éditions remportées par Jacky, on y trouve aussi les maquettes de chacune des voitures lui ayant permis de glaner ses victoires dans la Sarthe et de gagner ainsi son surnom de Monsieur Le Mans.

Des trophées récoltés tout au long de sa prestigieuse carrière sont aussi présentés. Celui de la première victoire en F1. A Rouen, en 1968. Sous la pluie…. car Monsieur Le Mans avait aussi un autre surnom: le Rainmaster. Ses premiers lauriers dans la catégorie reine du sport automobile, Jacky les remporta un jour de pluie. Un jour qui aurait dû être heureux mais fût terni par la mort accidentelle de Jo Schlesser lors de son premier Grand Prix dans le baquet d'une F1. Sinistre destin. Cruelle émotion que traduisait le visage fermé de Jacky sur le podium de la victoire.

Parmi les autres trophées, on découvre notamment la couronne du vainqueur des 1.000 kms du Nürburgring 1973. Mais au fait, Monsieur Le Mans, alias le Rainmaster, n'était-il pas également …le Ringmeister ??? Tant de surnoms pour un seul homme, on finit par s'y perdre.

Des combinaisons de différentes époques tapissent aussi les murs. A chacune d'elles, la mémoire associe des voitures, des circuits, des victoires … et quelque fois de véritables exploits. Ce sont-là les tenues de combat d'un gladiateur du 20ème siècle.

Après avoir évoqué les photos, les toiles, les miniatures, les combinaisons, les trophées, il manque à l'appel, l'objet ultime. Celui qui permet d'identifier quel est le pilote au volant lorsque la voiture file sous vos yeux à plus de 300 km/h. Le casque. Pour Jacky, un casque devenu légendaire. Sobre, simple, inoubliable... à l'image du pilote. Plusieurs versions de ce casque sont présentées: celui de 1968, avant l'apparition du casque intégral, un second de la même année avec sa visière antibuée, "l'œil de chouette" de la fin des années 70 et surtout, celui qui vous assène un véritable choc à l'estomac: le casque de Jarama 1970.

Le casque de l'horreur. Sa vision est, pour moi, le moment le plus fort, le plus impressionnant de toute l'exposition. C'est le témoignage d'un miracle. Ce jour-là, tout aurait pu s'arrêter pour Jacky. Aujourd'hui, il parle souvent de son ange gardien qui l'a accompagné tout au long de sa carrière pour lui permettre d'être encore présent parmi nous. Nul doute qu'en ce 19 avril 1970 à Jarama, cet ange gardien avait déployé ses ailes en grand afin d'empêcher la faucheuse d'accomplir sa sinistre besogne. Pour renforcer le malaise que l'on ressent à la vision de ce casque calciné, rappelant des heures sombres du sport automobile où tant de pilotes ont perdu la vie, une phrase de Jacky est reproduite sur le mur: "Quand on est jeune, on se croit invincible, on ne se rend pas compte que l'on est tout simplement en train de jouer à la roulette russe".

Tous ces objets, que l'on vient d'évoquer, présentés dans une galerie circulaire, encerclent ces bijoux enfantés par de brillants cerveaux et sans lequel le pilote ne serait rien: les voitures… Elles sont là, au centre, attirant immanquablement l'attention: Ford Cortina Lotus, BMW 3. CSL, Porsche 935, Porsche 956. Bien présentes et magnifiques. Restent les deux que je préfère: la GT 40 du Mans 1969… présente lors des premiers mois de l'exposition mais partie vers d'autres horizons au moment de ma visite. Et puis il y a la Porsche 936. Même si celle présentée n'est pas le modèle victorieux en 1977, elle me rappelle la fabuleuse victoire du Mans de cette année-là et mes plus belles émotions de spectateur au bord d'un circuit (lire sur ce site l'article "Reine des victoires").

L'exposition, côté Jacky, s'achève dans une salle de projection. Un film y tourne en boucle. De magnifiques images du désert défilent sur l'écran, accompagnées d'un commentaire de Jacky lui-même. D'une voix posée, grave, il y évoque sa rencontre avec le désert et comment celle-ci a changé sa vie et sa vision des choses. Au travers de mots simples mais touchants, apparait un Jacky Ickx philosophe et humaniste. Une fort belle conclusion donnant une autre dimension au personnage…

La visite de la partie consacrée au pilote se concluant sur cette très belle note, Julien et moi nous dirigeons à présent vers l'univers du cycliste. Présentée selon le même concept, l'exposition Eddy Merckx recèle également quelques trésors. Comme pour Jacky, des photos, des maillots, des véhicules suiveurs, des vélos, des trophées (ex: les fanions des 5 victoires au Tour de France).

Parmi les photos, une, attire plus particulièrement mon attention: celle montrant Eddy franchissant en solitaire le sommet du Col du Tourmalet en 1969. Habitant à moins de 10 kms de ce col mythique, j'ai l'impression d'être déjà de retour à la maison !!! Très souvent, lorsque j'emprunte les pentes du Tourmalet (1 ou 2 fois par semaine mais… en voiture !!!), je pense à ces hommes qui, sur leurs vélos, affrontent ce géant et ont fait la légende du Tour de France. Parcourir des lieux chargés d'histoire, sportive ou autre, engendre toujours une émotion particulière.

Dans la partie Eddy Merckx, il y a aussi des reproductions de scènes de vie. Notamment une, fabuleuse, dégageant une forte charge émotionnelle. Il s'agit de la reproduction d'un café belge: le bar, le mobilier, le matériel, la décoration, la télé et le juke box sont d'époque. Une radio diffuse le commentaire relatant l'ascension d'Eddy sur les flancs du Col du Tourmalet, le jour où il assomma littéralement tous ses adversaires pour remporter la victoire d'étape, puis son premier Tour de France. Le réalisme de ce café est tellement saisissant que l'on a l'impression d'avoir emprunté une machine à remonter le temps pour se retrouver le 15 juillet 1969 à vivre en direct l'exploit du "Cannibale" !!!

En nous ramenant à ce jour-là, ce bar diffuse de la nostalgie à haute dose.

Et nous rappelle combien 1969 fut une année magique, riche en souvenirs, en émotions et en points de repères: première victoire au Mans de Jacky Ickx, première victoire au Tour de France pour Eddy Merckx, premiers pas de l'homme sur la lune, festival de Woodstock...

Tout comme pour Jacky Ickx, on termine l'expo Eddy Merckx par la projection d'un film magnifique où l'on y voit l'ascension d'un col, accompagné de commentaires du champion. Après son visionnage, nous nous dirigeons vers la sortie, non sans être passés par la boutique où je m'empresse de faire l'acquisition du petit livre consacré à Jacky spécialement édité pour l'exposition. Le retour sur Liège se fait tranquillement et la fin de journée chez Julien passe très vite.

Le lendemain, après 36 h de ce bref séjour belge, l'heure est venue, déjà, de reprendre le chemin de la France. A l'aéroport, au moment de la séparation avec Denise et Julien, l'atmosphère est évidemment moins réjouie que lors de mon arrivée.

Le retour vers la France s'effectue sans soucis avec, en tête, les belles émotions vécues au cours de deux jours et avec le sentiment d'avoir eu raison de faire le déplacement.



Ecrit par Dominique Dreneau
Publié le 16-05-2020